France: la journaliste Ariane Lavrilleux, une affaire qui gêne l'Élysée
La journaliste d’investigation Ariane Lavrilleux a été placée en garde à vue pendant 39 heures après avoir révélé il y a deux ans l’appui de l’armée française à des opérations militaires en Égypte. Une affaire qui embarrasse l’exécutif. Ni l’Élysée, ni la Première ministre, ni la ministre de la Culture, ni Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, ne font le moindre commentaire. Non pour se dérober, bien sûr, à en croire le ministre, mais parce que ce n’est ni le lieu ni le moment. Et on ne commente pas une procédure judiciaire en cours.« C’est quelque chose en lien avec les Égyptiens, c'est ça ? », demande une conseillère de Matignon citée par Le Monde. Oui, c’est bien ça, ce sont même des révélations de la journaliste Ariane Lavrilleux, dans le média d’investigation Disclose, fin 2021, qui ont donné lieu à une plainte pour violation du secret de la défense de la part du ministre des Armées. En novembre 2011, elle révélait que la mission de renseignement Sirli, opérée par l’armée française au nom de la lutte anti-terroriste, avait permis aux autorités égyptiennes, entre 2016 et 2018, de mener 19 bombardements contre des véhicules civils, soupçonnés d’être aux mains de contrebandiers.Depuis, une source présumée, un ancien militaire, a été mise en examen jeudi. Quant à la journaliste, elle a raconté au siège de Reporters sans frontières comment les agents de la direction générale de la sécurité intérieure ont perquisitionné chez elle, comment les données de son ordinateur ont été aspirées ou la pression exercée sur elle pour connaître sa source. Or, si la loi Dati, de 2010, reconnaît aux journalistes le droit à la protection du secret de sources, elle souffre une exception : « Sauf si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie ».À lire aussiFrance: rassemblement à Marseille en soutien à la journaliste arrêtée Ariane LavrilleuxDisclose, média connu et reconnuC’est toute l’ambiguïté de cette loi que RSF comme les sociétés et les syndicats de journalistes voudraient voir amendée. Dès le 3 octobre, à l’occasion des états généraux de l’information, la revendication va être en tout cas portée devant l’exécutif. Et ce, d’autant que l’on retrouve de plus en plus souvent en France de procédures intimidantes contre des journalistes, à Mediapart comme à Libération. Peut-être que les autorités judiciaires ont pensé à tort que Disclose n’était pas très connu du grand public et éveillerait peu de soutien.C’est le contraire qui s’est passé. D’abord parce que Disclose est connu et reconnu pour avoir déjà révélé, dès 2019, des livraisons de canons Caesar à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis en pleine guerre au Yémen. Ensuite parce que de Mediapart à Radio France, en passant par Konbini, Arte ou France Télévisions, Disclose est partenaire de nombreux médias. Le paradoxe, c’est que l’État est le premier contributeur à son modèle économique puisque le site qui vit du financement participatif… bénéficie de dons défiscalisés à 66%.